L’absence de zones franches portuaires, un handicap pour la compétitivité française

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Les zones franches logistiques remontent à l’Antiquité, selon les auteurs et les définitions, elles ont été développées par les Phéniciens, les Grecs ou les Romains. Plus tard, nombre de villes françaises médiévales se sont développées grâce à des foires franches de droits et taxes ou grâce à un statut de ville franche, dont certaines communes ont gardé l’appellation éponyme. La plupart des ports français étaient alors francs. Pourtant les zones franches logistiques restent au mieux méconnues au pire honnies en France.

Ces zones souffrent d’abord d’une mauvaise réputation qui n’est pas tout à fait méritée. En effet, elles sont confondues avec des paradis fiscaux, car certains pays utilisent des entrepôts francs pour stocker à peu de frais et de manière opaque des marchandises. Ainsi, on retrouve régulièrement des articles sur les œuvres d’art volées qui sont stockées au port franc du Luxembourg, l’argent de la drogue dissimulé dans le port franc de Macao voire le trésor des nazis dissimulé dans le port franc de Genève.

Pourtant, lorsqu’on parle avec des logisticiens, les zones franches portuaires évoquent pour eux l’excellence de la gestion des chaînes logistiques internationales. La zone franche de Jebel Ali à Dubaï importe des fleurs du Kenya pour les reconditionner et les exporter toujours fraîches à Amsterdam. La zone franche portuaire de Port Louis à l’île Maurice alimente les marchés aux poissons européens dans le respect le plus strict des normes de chaîne du froid. La zone franche du port de Jacksonville en Floride accueille l’industriel français SAFT qui y conditionne des piles au lithium pour l’industrie aérospatiale.

En fait, une zone franche portuaire, c’est une zone logistique, accolée à un port, souvent port maritime, parfois aéroport, et de plus en plus souvent port fluvial et port sec. Cette zone logistique bénéficie d’une extra-territorialité douanière, ce qui signifie que les produits qui y sont entreposés ne sont pas sujets à des droits de douane tant qu’ils n’entrent pas définitivement sur le marché. Ils peuvent ainsi être transformés et réexpédier sans que l’industriel ne paie de droits de douane ou bien ne payer ces droits que lorsque les produits sont vendus sur le territoire.

Contrairement aux entrepôts sous douane, les zones franches permettent, au sein de l’Union européenne, de stocker les produits sans limites de temps. C’est un avantage important en matière d’attractivité pour certaines industries et en matière de trésorerie pour les entreprises.

Au-delà de l’aspect douanier, les zones franches peuvent aussi faire bénéficier à leurs opérateurs d’avantages fiscaux. Ces avantages fiscaux ne sont pas obligatoires dans la conception d’une zone franche, mais c’est souvent un argument invoqué contre la création de ces zones. Pourtant dans d’autres secteurs d’activité, de nombreuses industries bénéficient en France d’avantages fiscaux.

Pour ne prendre que deux exemples bien distincts, c’est le cas du cinéma d’animation à la française qui fait le bonheur d’Hollywood comme du secteur automobile qui souffre à chaque crise. La logistique, secteur qu’on a redécouvert avec la crise du Covid-19 pourrait également en bénéficier, tant c’est un secteur stratégique.

D’ailleurs, en Europe, quasiment tous les pays possèdent des zones franches logistiques avec des avantages fiscaux. Seuls l’Albanie, la Suède, la France et la Belgique n’en ont pas. La plupart des grands ports ont une zone franche qui leur est accolée.

En outre, le Royaume-Uni se prépare à créer dix ports francs à la suite du Brexit. L’objectif est pour les Anglais d’attirer des flux qui normalement iraient en Europe et d’y effectuer des transformations à valeur ajoutée proche du marché. Ces ports francs sont une menace pour les ports européens et surtout les ports français.

La réponse à cette menace n’est pour autant pas la copie. En effet, le positionnement du Royaume-Uni, à cheval entre le Commonwealth, l’Amérique du Nord et l’Europe, lui confère un avantage que la France n’a pas. Londres cherche à travers ces ports francs à se positionner comme hub, à la manière de Dubaï, Hongkong, Tanger-Med ou Singapour. Une sorte d’eldorado logistique et industriel aux portes du marché européen.

La France, au contraire, doit être une porte de l’Europe qui propose des services à très forte valeur ajoutée, car une simple logistique à bas coût ne suffit pas à être compétitif en Méditerranée occidentale ou sur la Rangée Nord, espace maritime entre Le Havre et Hambourg. Pourtant la menace est là.

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